CHAMBÉRY | Violences sexuelles dans le sport : “Il faut toujours croire un enfant”

CHAMBÉRY | Violences sexuelles dans le sport : “Il faut toujours croire un enfant”

PUBLIE LE 03/02/2023 par Lison Bourgeois - 8658 vues

Fondée par l'ancien sportif Sébastien Boueilh, lui-même victime de viols pendant quatre ans, l’association "Colosse aux pieds d'argile" sensibilise les jeunes et les professionnels aux violences sexuelles. Loin de pointer du doigt les coachs ou entraîneurs, les membres de l’association cherchent à former les professionnels. “L’idée est d’abord de prévenir des violences sexuelles dans le sport, parce qu’il y en a”, débute l'intervenante Léa Saïd au micro d’H2O. Puis elle ajoute : “Et, deuxième chose, c’est aussi de dire que le sport peut être un levier pour libérer la parole. Parce que, certes, il y a des violences dans le sport. Mais la majorité des violences sur mineurs ont lieu dans le milieu familial. Donc, les encadrants, les coachs ou les entraîneurs, peuvent être des oreilles attentives pour un jeune qui serait victime de violences sexuelles dans la famille ou ailleurs”.

Particulièrement actifs dans le secteur sportif mais aussi scolaire, les membres de l’association ont édicté une “charte des Colosses” pour garantir un espace “sécurisé” dans les structures. “Par exemple, les vestiaires. C’est un très gros sujet au sein des clubs”, assure Léa Saïd. “On préconise l’absence d’adulte dans les vestiaires. Et si des adultes doivent rentrer, il faut que ce soient deux référents. Il faut aussi penser à bien toquer avant d’entrer”, explique l’intervenante. Mais ce n’est pas le seul exemple qu’elle énumère : “On fait aussi réfléchir à l’usage des téléphones ou à la répartition des chambres lors des stages. Lorsqu’on doit corriger un jeune sur sa posture, il faut plutôt mimer si possible les gestes plutôt que de toucher. Et si on doit le faire, il faut prévenir et demander. Plus généralement, ne pas se retrouver seul avec un enfant. Et si on doit se retrouver seul dans une pièce, il faut laisser la porte ouverte par exemple”.

Selon un rapport de l'OMS rendu public en 2014, un enfant victime sur deux est agressé par un membre de sa famille. Le coach, l'entraîneur ou l’encadrant peut alors être une personne de confiance pour un jeune victime selon Léa Saïd. “Un éducateur peut être présent longtemps dans la vie d’un jeune qui va passer plusieurs années au club. Et donc, effectivement, il y a ce lien de confiance particulier. Ça fait que si un jeune vit des violences sexuelles dans la famille, il ne va pas se confier à sa famille, mais il va pouvoir le faire auprès de son encadrant”, explique-t-elle.

“Colosse aux pieds d’argile” organise des formations pour les professionnels du secteur sportif pour leur apprendre à reconnaître des signaux d’alerte d’une potentielle victime de violences sexuelles. “Il faut prendre en considération tout changements de comportement et ne pas l’associer à une crise d’adolescence”, recommande Léa Saïd. Après quelques secondes de réflexion, elle ajoute avec beaucoup de ferveur : “Il faut aussi toujours croire la parole d’un enfant. Lorsque l’on demande aux enfants pourquoi une victime ne parle pas, ce que répondent les jeunes c’est qu’ils ont peur de ne pas être cru. Donc ce que l’on dit aux adultes c’est qu’il faut toujours croire un enfant même si on a des doutes, les adultes ne sont pas là pour juger ou faire l’enquête. C’est aux gendarmes et à la police, ensuite, de démêler le vrai du faux”.

La démarche de l’association est indispensable pour Léa Saïd qui assure rencontrer des entraîneurs ou coachs démunis sur le terrain. “On se rend compte qu’ils ne sont pas au courant qu’ils peuvent se tourner vers la plateforme “Signal sport” ou le Service départemental à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (SDJES)”, remarque-t-elle. Une observation qui démontre, si c’était encore nécessaire, pourquoi le travail de “Colosse aux pieds d’argile” est considéré d’utilité publique.